Les Bergers du Désert
Au delà de Sainchand, la piste s’éloigne de la voie ferrée. Pour pas perdre le fil, on roule sur la nouvelle piste en construction, bien plus avancée que dans l’autre direction, vers Ulan-Baator. C’est pour nous l’occasion de retrouver les Bergers Mongols sous leurs yourtes une dernière fois avant la Chine. Par contre, pour les trouver, faut parfois aiguiser son regard: si là bas y’a un troupeau, c’est que le berger n’est pas loin, et son campement non plus.
Étrangement certains troupeaux sont fournis et paraissent pas mal nourris. C’est la période des naissances, ce qui représente des journées de travail de l’aube à la nuit tombée (on nous enfermera un soir dans la yourte, à l’abri du chien agressif, en attendant que le travail soit fini). Chevreaux et agneaux fraichement nés ont parfois le privilège d’y dormir. Mais faut surtout les faire retrouver les bons pis chaque soir et chaque matin. Un autre soir, une yourte d’apparence “isolée” nous sauve du vent trop froid… avant de se mettre à se remplir, à en craquer (on y a dormi à 14!!). Sans compter les moutons à dépecer.
La méthode est simple: choisir le mouton le plus gras du lot, l’attraper, le mettre sur le dos. On lui ouvre proprement la peau du bidon (il semble ne rien sentir), on y enfile la main jusque dans son dos pour sectionner du doigt l’artère dorsale. Et tranquillement sans effusion de sang (hémorragie interne), le mouton s’en va, presque sans s’en rendre compte. Après on le transporte à l’intérieur. Pas besoin de planche à découper: tout se fait sur la peau elle-même, qu’on détache au poing, sans couteau. On hallucine de la propreté avec laquelle ils opèrent. On sort ensuite la poche à viscère, même pas perçée, confiée aux femmes qui en font direct le tri, le lavage, le remplissage des boyaux, la cuisson, et la dégustation. On a aussi eu le droit à un bout de foie cru, “à la Ghenggis”. Le sang est récupéré au bol dans la carcasse, puis tout est découpé et mit à sécher dans un coin de la yourte.
Voilà: d’un bout à l’autre du pays, les Mongols ont ces même gestes du quotidien, et cette même façon de vivre. Y’à pas à dire: ce sont les Maîtres Éleveurs-Bouchers-Viandards du monde entier. Dans ces steppes et ces déserts, les animaux leur donnent la vie.