C’est sur le bassin moyen de la Bikin, sur quelques 200km en amont, qu’ Udeges et Nanaï se partagent leurs territoires de chasse. Pour conserver ce droit, ils ont du repousser les assauts de plusieurs entreprises d’exploitation, puis les élans d’organisations écologistes comme Greenpeace qui aurait bien fait de toute la zone un zapovednik doublé d’un titre UNESCO. Mais les gens de Krasnii-iar ne veulent pas être mis sous cloche.
Gingseng replante
Pour la defense des Chevreuils...
Si le bassin de la Bikin est encore intact, c’est parce qu’aucune route (ou presque) n’y accede. Mais au-delà des cols, les engins d’exploitation oeuvrent, venant soit de la mer, soit du pays de Xhabarovsk, le long de l’unique route asphaltee qui traverse la Taiga, et se termine sur un pont, au-dessus de la Bikin. Par faute de sous et de marecages a repetition l’artere gouderonnee n’a pu aller plus loin, mais sert de tapis rouge a la venue de toutes sortes de profiteurs.
"viens dans mes bras, mon petit..."
L’alternative actuelle s’appelle “Tigr”. Elle se veut être une association locale (…branche dérivée de l’administration forestière) dont le but est de conserver la culture indigène et la biodiversité de la Bikin. Soutenue par WWF, elle loue a l’Etat sur du long terme les territoires traditionnels de chasse. Mais le fric injecté n’empêche ni les coupes, ni les privilèges, ni le braconnage… D’ailleurs des Russes nous ont dit: “Nous sommes tous braconniers. Il nous est interdit par les lois de pêcher sur nos propres terres. Mais les dirigeants, eux, ne se privent pas, et survolent en hélico leurs proies du jour. Pour un peu qu’un garde-peche appercoive un touriste dans la barque d’un chasseur, il vient direct chercher sa part. Les pires ce sont bien ceux du fond de conservation de l’environnement: pour des éoliennes ils te taxeraient, prétendant que tu voles le vent!!”
Champignons en or...
Ira et Raia, avec d’autres femmes du village, fabriquent des souvenirs pour le compte de Tigr. Leur atelier finance par WWF compte une bonne demi-dizaine de machines a coudre. Mais elles doivent encore quemander leur paye. “Si je pouvait partir en ville, bien sur qu’je le ferais. Ici, pas de travail pour les femmes, a part l’ecole, le dispensaire, la poste et 3 magasins. - Et les cueillettes de saison, ca aussi c’est du travail, non? Tigr vous achete tout ca aussi, non? - Oui mais ca dure jamais longtemps. Les fougeres par exemple: 2 semaines, et c’est fini! Nous on cherche un travail permanent. La securite, quoi…”
Kolia et sa fille
Une version de mec, toute differente. C’etait apres la vodka sur la greve. On a continue chez Jenia, un de ces type taille dans une armoise a glace (style Nanai). La conversation a propos d’hommes et de femmes le laissait plutot muet, jusqu’a ce que la Liberte vienne tout emporter. “Nous sommes les derniers chasseurs de ce monde. Russes et gouvernement voudraient nous transformer en paysans ou forestiers, en bons chretiens civilises. - Jenia ouvre ses yeux revoltes- Je suis chasseur, et sans ca plus rien! Si tu savais la-haut, a 200-300km sur la riviere, comme c’est BEAU!- et il ouvre ses bras et se renverse, comme terrasse par la grandeur du monde sauvage- Mais voila, d’ici 10 ans y’aura plus rien. Il ne nous reste aujourd’hui que de quoi faire vivre nos propres enfants, mais apres qui seront-ils, eux? Ils ne connaitront jamais la Liberte. Tu vois, c’est comme les Indiens, en Amerique, on nous encule litteralement. On nous prive de notre vie, on nous laisse survivre et crever dans ce village pendant qu’on construit des routes de tous cotes pour venir chercher les arbres a fric!”
Nous sommes alles a l’ecole. La taiga, ils la connaissent, aiment leur riviere, et savent bien que tout ca doit etre protege. Une jeune fille nous a demande: “Si vous etiez president, qu’est-ce que vous feriez pour ameliorer le monde?” Apres reflexion, je donnerais la responsabilite a tous les peuples, de decider pour eux-meme et pour la terre de leurs enfants…
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