Trans-Sibérie
Au petit matin, dans le trans-sibérien, tout le monde parcourt le couloir, des toilettes aux couchettes, en chemise de nuit, en chaussons, en “tapetchkis” ou en caleçon. Les Russes qui y voyagent ont tout prévu: les tasses qui ne risquent pas de tomber, les plats lyophilisés, et si vient à manquer un pirochki ou du poisson séché, les quelques arrêts permettent toujours de se ravitailler direct sur le quai.
Faut dire que de Novossibirsk à Vladivostok, le voyage dure 4 jours… 4 jours à travers l’immensité Sibérienne, couverte, toute verte, de sa Taïga à peine discontinue. Nous, jusqu’à Irkoutsk, on en a pour 2 nuits, de quoi déjà prendre la dimention du décors que l’on traverse: une journée passée à regarder par la fenêtre défiler des montagnes boisées de pins et de bouleaux, avec de temps-en-temps, d’épisodiques clairières dans lesquelles s’enfouissent des mini-villages en bois, quasi disparus sous la neige.
La Sibérie! Rien qu’à travers la vitre, on peut commencer à comprendre… Un réservoir naturel immense. Un monde, un continent entier pour que les bêtes, les oiseaux, les herbes sauvages y vivent sans autres contraintes que la rudesse de l’hiver. Une étendue vivante telle, que sans elle, … sans elle?
Sans elle la Russie d’Europe serait déjà en train de dégénérer! Il suffit de se poser 5 minutes au bord des rails pour se rendre compte que le trans-sibérien ne transporte pas que des gens… Des trains de bois, de pétrole et d’autres marchandises défilent quasi non-stop, sur des longueurs impressionnantes. A chaque passage un mauvais sentiment, comme un mauvais souvenir nous envahi: tout ce que l’homme fait de pire à la Terre ou à ses frères y est représenté: la Déportation, le Déracinement. Et à force de wagon, l’Extermination. Voilà: la Sibérie chauffe, gaze et carbure pour l’Europe toute entière. Des hordes de trapeurs ont tiré d’elle viandes et fourrures. Les industriels (d’abord motorisés à l’énergie de tous les prisonniers des Goulags), ont creusé, foré, extrait toutes les matières premières nécessaires à enrichir ceux du lointain, là-bas, de l’autre côté de l’Oural.
Dehors, derrières les fenêtres, il neige dans le vent. On s’imagine alors dans ce décors qui défile, mais sans les vitres ni la surchauffe… Sous le vent qui cingle, quelque part parmi des milliards d’arbres sur des millions d’hectares. On imagine l’échappé du goulag, le bûcheron égaré, ou encore le géologue soviétique en reconnaissance de terrain. On imagine les villages d’antan, ceux où même l’hiver fallait vivre dedans… On s’dit qu’on aimerait bien sentir un peu plus la puissance de ce genre d’expérience… mais on s’le dit tout bas, à cause des -30° dehors, de la Taïga océane, de la Sibérie dont les rudesses ne pardonnent parfois pas.
En tous cas, la Sibérie est aussi pleine d’avenir: elle renferme dans ses Bois les espoirs des renaissances à venir: une terre sans hommes, ou si peu!!!
Pas de commentaire »
RSS feed for comments on this post. TrackBack URL