Au milieu du chaos
Après avoir passé la nuit au sec, je tente au matin de jeter un coup d’oeil à la situation. Il faut absolument passer! Je ne peux faire machine arrière et remonter jusqu’au lac. De l’autre côté, le sentier me ramènera dans la vallée et chez Jeff. Même si il y a beaucoup de kilomètres à parcourir, je suis convaincu d’arriver le soir à destination.
Dece fait je laisse mes affaires en place et va constater les dégâts. Par chance, l’eau a reculé de plusieurs mètres et de nombreux troncs d’arbres et de branches se sont accumulés près du pont à demi-immérgé, formant une passerelle flottante. Je tente d’y accéder, ça marche. C’est le moment, il ne faut pas hésiter une minute de plus. Je retourne à la tente et replie en hâte mes affaires. Il se remet à pleuvoir et le temps de tout ranger, l’eau a déjà regagné du terrain et j’en ai jusqu’au mollets lorsque j’atteins les premiers troncs. Le torrent est puissant, le grondement impressionnant, il ne faudrait pas qu’un arbre percute le pont pendant son ascension!
Je parviens à atteindre les câbles suspendus et commence à grimper le long de ce fragile lien qui me conduit vers l’autre partie du chemin de randonnée. En quelques minutes, l’affaire est faite, et c’est tout content d’avoir bravé cet obstacle que je reprends ma route.
De l’autre côté, de nombreux ruisseaux dévalent la pente dans un bruit infernal. Je commence à peine à réaliser l’étendue de la catastrophe et me demande comment va être la suite de la partie. C’est alors que j’aperçois un ours sur le sentier, il est très jeune et sa mère est juste derrière lui. Ce sont des grizzly, eux aussi doivent être affolés devant tout ce chaos. Je cris en essayant de couvrir le bruit de l’eau pour ne pas les surprendre, mais la mère est partie plus rapidement que son rejeton, s’en apercevant elle fait demi-tour et fonce sur moi. Mesure d’intimidation, car elle s’arrête à 5m et repars en sens inverse, les poils encore dressés sur l’échine. Pensant que tout est ok, je poursuit ma route et les dépasse. Mais aussitôt, la mère reviens sur moi et me préviens à nouveau! tout en reculant, face à elle je lui parle. je la comprends, et n’a même pas le temps d’avoir peur, tout va trop vite. Elle repart rejoindre son petit resté en arrière. Impressionné par cette rencontre forte en émotion je remercie la vie d’une pareille rencontre.
Le sentier de randonnée fini par descendre dans la vallée et est submergé par la rivière en crue. Je dois le suivre au plus près au risque de me perdre. J’entre alors dans l’eau et progresse lentement. par moment je le retrouve, il regrimpe à flanc de montagne, puis invariablement replonge dans l’eau.
Ce petit jeu de cache-cache m’oblige parfois à suivre la parois de la montagne sur des rochers instables ou au milieu des arbres tombés. il pleut toujours , je crains pour mes affaires qui ne resteront pas sèches à se rythme. Enfin, j’aperçois le deuxième pont suspendu qui rejoins le parking de voiture. Celui là est à flot, pas besoin de faire des cabrioles pour le traverser. Je marque une pause. il me reste 20 bons kilomètres de route carrossable avant de rejoindre l’asphalte, si je marche bien j’y suis ce soir.
Mais là encore, je ne suis pas au bout de mes surprises. La route suis en grande partie la rivière Atnarko qui ne l’entend pas de cette manière. Tout n’est que chaos et j ai du mal à me repérer. je marche cependant aisément sur deux bons kilomètres et puis là, tout se transforme: il n’y a que de l’eau! le chemin est complètement inondé et c’est avec de l’eau jusqu’à la ceinture que j’avance difficilement. La force du courant me pousse même à un bain forcé qui me fait juré un bon coup. Je suis trempé jusqu’aux os, mon sac de couchage et ma couverture également, et je viens de perdre un appareil photo. Heureusement la caméra n’a rien et pour moi c’est le principal.
Je me rend compte cependant que la partie n’est pas gagnée! J’avance trop lentement pour pouvoir être au sec ce soir. Je progresse sur le flanc de la montagne à moitié frigorifié par le bain forcé. Le sentier redeviens en partit sec et je reprend espoir. Mais quelques kilomètres plus loin, c’est la consternation, il n’y a plus rien. Plus de chemin visible, plus de forêt. A la place une grande plaine jonchée de cailloux et d’arbres arrachés; je suis au milieu de deux vallées, un pont jonche au centre, coupé en deux. je ne sais quelle direction prendre, et de toute façon deux grands bras de rivières me barrent définitivement le passage. Je suis dans l’impasse! merde, je n’y crois pas, il va falloir qu’on me récupère par hélico!!!
Je me résous une nouvelle fois à passer une 5ème nuit sous la tente. Et quelle nuit! je la monte trempée à la limite de la forêt, au beau milieu des arbres arrachés, dans ce qui était le lit de la rivière, il y a peut de temps. Les pentes de la montagne sont trop abruptes pour offrirent un quelconque refuge, et tente de m’endormir dans la seule couverture à moitié sèche qu’il me reste. Mes vêtements sont trempés eux aussi, il faut m’en débarrasser. Je garde espoir de trouver une solution pour passer demain, mais ne peut dormir rassurer, tant le bruit de l’eau tumultueuse, des troncs qui explosent sous sa force et le roulement des rochers me font craindre le pire.
Le lendemain, je tente par tous les moyens de passer. Le premier bras de rivière ne posera pas trop de problèmes, par contre, je reste bloqué par le deuxième qui ne veut pas se calmer. fin du chemin. Il ne me reste plus qu’à attendre d’éventuels secours, s’ils arrivent!!!
Plusieurs hélicoptères passeront trop loin de moi , par chance l’un d’eux me survole et m’ayant aperçu, décrit des cercles autour de moi. Il va donner ma position, je dois être maintenant patient. En effet deux heures plus tard, un autre hélico vient se poser à coté de moi. Une nouvelle fois les Rangers viennent à ma rescousse! quelques minutes plus tard, une tasse de thé chaud à la main je m’envole en direction d’un lieu plus calme.
survolant la zone, je constate que le chaos règne dans la vallée. On m’explique les dégâts causé par cette crue qui n’a pas d’égale. la dernière date de 1968! mais n’était pas aussi furieuse: Il a plut en deux jours, l’équivalent de six mois de précipitation! En bas, les routes sont coupées, les maisons inondées. L’hélico poursuit un moment sa tournée et reviens à sa base.
interview par téléphone de la CTV à visionner ici
En moi quelque chose à changé! Après cette épreuve initiatique, au beau milieu de la nature en furie, j’ai l’impression d’avoir reçu quelque chose de puissant! comme un cadeau. Pendant 5 jours je me suis retrouvé au milieu d’une énergie ahurissante, qui m’a traversée. Une partie de cette énergie fait partie de moi à présent.Je la ressent.
L’homme n’est rien face à la nature, lorsqu’elle se déchaîne. Il ne faut pas essayer de la combattre, ni aller contre. Il faut être la nature, faire corps avec elle et recevoir l’ énergie qu’elle nous transmet. Ainsi on en ressort plus fort.
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